Istanbul : Sainte-Irène
vendredi 24 août 2018 , mis a jour le lundi 3 février 2025

L’église Sainte-Irène, nichée dans l’enceinte du palais de Topkapi, est l’un des rares vestiges byzantins d’Istanbul ayant traversé les siècles sans être transformé en mosquée. Moins connue que la basilique Sainte-Sophie, elle n’en demeure pas moins un témoin majeur de l’architecture et de l’histoire de l’Empire byzantin. Aujourd’hui, ce monument fascinant se distingue par son atmosphère solennelle et ses remarquables qualités acoustiques, qui en font un lieu privilégié pour des événements culturels.
Une histoire marquée par les bouleversements
Fondée au IVe siècle par Constantin Ier à l’emplacement d’un ancien temple païen dédié à Aphrodite, Sainte-Irène est considérée comme la plus ancienne église de Constantinople. Elle précède même la construction de Sainte-Sophie et aurait été la première cathédrale de la ville avant que cette dernière ne prenne le relais.
En 381, sous le règne de Théodose Ier, l’église accueille le deuxième concile œcuménique qui marque un tournant dans l’histoire du christianisme en affirmant le dogme de la Sainte Trinité. Mais son destin bascule en 532 lors de la sédition Nika, révolte sanglante qui embrase Constantinople. Sainte-Irène est incendiée, tout comme Sainte-Sophie, et doit être entièrement reconstruite par l’empereur Justinien.
Deux siècles plus tard, un violent séisme fragilise l’édifice. L’empereur Léon III l’Isaurien entreprend alors une restauration d’ampleur et profite de ces travaux pour modifier et agrandir considérablement la structure, lui donnant son apparence actuelle. À cette période, Sainte-Irène devient aussi un symbole de l’iconoclasme, mouvement qui interdit la représentation des figures religieuses. C’est ainsi qu’apparaît la grande croix visible sur la coupole de l’abside, en lieu et place des fresques traditionnelles.
Lorsque les Ottomans prennent Constantinople en 1453, l’église Sainte-Irène échappe à la conversion en mosquée. Elle est aussitôt intégrée au complexe militaire du palais de Topkapi et devient un arsenal impérial. Plus tard, sous le règne de Mahmud Ier, elle est transformée en musée d’armes, accueillant certaines des pièces les plus emblématiques de l’Empire ottoman.
Une architecture byzantine unique
Sainte-Irène est un exemple remarquable de l’architecture byzantine, bien que son plan diffère de celui de la basilique Sainte-Sophie. Elle est l’une des rares églises byzantines à conserver son atrium, une vaste cour intérieure qui précédait autrefois l’entrée des lieux de culte chrétiens.
Un plan en croix grecque
Contrairement aux églises basilicales classiques, Sainte-Irène adopte un plan en croix grecque, avec une nef centrale et des bras de transept de longueur équivalente. Cette configuration confère au monument une impression de symétrie parfaite.
Son espace intérieur est divisé en trois nefs, séparées par de grands piliers. Le dôme principal repose sur une structure robuste, lui permettant de survivre aux séismes ayant fréquemment secoué Istanbul au fil des siècles.
Une abside marquée par l’iconoclasme
À l’extrémité est du bâtiment, l’abside présente une particularité rare dans l’art byzantin : une grande croix dorée se détachant sur un fond de mosaïque dorée. Cette ornementation, réalisée après la restauration de Léon III l’Isaurien, est une illustration parfaite du mouvement iconoclaste qui bannit les représentations figuratives au profit de symboles religieux abstraits.
Un lieu de mémoire militaire
Au fil des siècles, le monument a également acquis une fonction militaire. Durant l’ère ottomane, Sainte-Irène abritait des collections d’armes et des trophées de guerre. Parmi les objets exposés, on trouvait notamment :
- le sabre de Mehmet II, le conquérant de Constantinople,
- une épée de Scanderbeg, célèbre chef militaire albanais,
- les clés des villes conquises par l’Empire ottoman, conservées comme symboles de victoire.
Un monument vivant dédié à la culture
De nos jours, Sainte-Irène n’est plus un lieu de culte, mais elle a su retrouver une nouvelle fonction. Grâce à son acoustique exceptionnelle, elle accueille régulièrement des événements musicaux, notamment le célèbre festival international de musique d’Istanbul. Ce cadre historique majestueux sublime les concerts de musique classique et contemporaine, offrant aux spectateurs une expérience immersive unique.
Bien que moins célèbre que Sainte-Sophie, Sainte-Irène reste un incontournable pour les amateurs d’histoire et d’architecture. Son atmosphère paisible, préservée de la foule, permet une plongée fascinante dans le passé byzantin et ottoman d’Istanbul.
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